Sunday, June 29, 2014

Misericordia, Jack Wolf

Avant de commencer cette revue, il faut que je fasse le point sur le titre.
Pourquoi, mais pourquoi a-t-on modifié le titre original de ce livre ?
Pourquoi ce très cher George-Michel Sarotte a-t-il estimé pertinent de passer du titre original Raw Head and Bloody Bones à Misericordia ?? POURQUOI ? 
Le titre original est sublime est tout à fait pertinent dans le cadre de l'histoire, alors que le thème de la miséricorde n'apparaît qu'à la fin du livre, juste histoire de faire coucou. George-Michel, j'attends des explications, merci bien.

Pour commencer, le résumé de l'éditeur:


Foisonnant, bourré d'aventures et de rebondissements, un roman hors normes qui mêle philosophie des Lumières, leçons d'anatomie à la bougie et amours maudites. Portée par une écriture flamboyante, une oeuvre d'une richesse exceptionnelle. 

Tristan Hart a vingt ans quand il quitte sa campagne du Berkshire pour rejoindre Londres et les enseignements du légendaire Dr William Hunter. 
Étudiant surdoué, depuis toujours obsédé par la relation entre le corps et l'âme, son ambition de chirurgien est de soulager la souffrance. 
Mais dans le secret de son cabinet d'études, il est une chose que Tristan n'ose s'avouer : le plaisir extrême qu'il prend à infliger la douleur. 

C'est alors qu'apparaît dans sa vie la belle Katherine Montague...



Pour commencer, si vous souhaitez lire ce livre, ne lisez pas les citations qui en ont été tirées sur la quatrième de couverture, puisqu'elles constituent des éléments clés de l'histoire. J'ai donc trouvé que la maison d'édition  (Belfond) avait fait la quelque chose de très idiot, en plus de trahir le titre original.

La grande particularité de ce livre, que je n'avais croisé nulle part ailleurs, c'est la volonté de l'auteur d'employer les majuscules à chaque mot jugé important dans la phrase, comme au 18e siècle apparemment. Je ne savais pas qu'on faisait cela à l'époque, mais ça rend la lecture de ce livre particulière. Au début ça m'a même gênée, puisqu'on a l'habitude d'accentuer les mots en majuscule dans une phrase. Là j'ai eu un peu l'impression que chacun des mots était hurlé dans ma tête. Une fois qu'on prend un peu plus le pli, on comprend mieux pourquoi tel ou tel mot a été accentué plutôt qu'un autre. Mais ça reste quelque chose de subtil à saisir.

Pour ce qui est de l'histoire en elle-même, située dans le siècle des Lumières, on suit la réflexion philosophique et éthique de Tristan, étudiant en chirurgie. J'ai trouvé cela très intéressant, les débats , les thèses et les interprétations différentes du monde. On sent vraiment la recherche et le soin que l'auteur à apporté à toute cette réflexion. Pour ma part, je n'ai pas trouvé les propos abordé très choquants (j'ai lu plusieurs revues qui disaient que ce livre avait défrayé les chroniques). Je pense qu'on peut se sentir choqué si on est absolument persuadé que la religion est la chose la plus importante de la vie et que Dieu existe. Mais après, si on pense cela ça n'empêche pas la lecture de ce livre. Il faut avoir l'esprit ouvert mes amis.


J'ai beaucoup aimé le personnage principal, qui, loin d'être un stéréotype de héros, montre ses faiblesses. Tristan Hart, de part son physique va souffrir de l'antisémitisme, et c'est quelque chose qui m'a vraiment frappée. Je n'avais jamais croisé cette haine de l'autre ailleurs que dans les livres sur la Seconde Guerre Mondiale. Ici, elle est totalement intégrée et acceptée dans la société, et ça, ça m'a choquée.
J'ai aimé le couple hors du commun qu'il forme avec Katherine, on a rarement l'occasion de croiser des histoires d'amour qui sortent des sentiers battus, et c'est franchement rafraîchissant. 
Globalement j'ai eu beaucoup d'affection pour les personnages: Tristan, Nathaniel, Katherine, Viviane, Erasmus.... Personne n'est totalement gentil ou méchant, et c'est toujours ce que je préfère. 

Je trouve que l'histoire prend bien le temps de s'ancrer dans son monde, ce qui peut donner l'impression que ça traîne en longueur au départ. Finalement le rythme est bien justifié dans l'histoire. 
Ce qui m'a le plus plu je pense, c'est l'hésitation permanente entre rêve et réalité, et le parti-pris de la fin m'a convaincue. 
J'ai aimé le conte de Raw Head and Bloody Bones, qui est essentiel à l'histoire (n'est-ce pas les messieurs de Belfond !!) et qui apporte tout un souffle magique à une ambiance réaliste du siècle des Lumières. 


Par contre, je vais mettre un bémol sur le dénouement final, puisque pour ma part j'avais deviné très tôt dans le livre l'identité de Raw Head. Ce qui est dommage, puisque la "révélation" ne m'a pas beaucoup touchée du coup. Deuxième élément qui m'a un peu gênée : si le but du roman était de brouiller la frontière entre réalité et imaginaire, je pense qu'il aurait été plus pertinent d'utiliser un point de vue interne à la troisième personne, plutôt que le première personne. Ce point de vue ci incite toujours le lecteur à croire le personnage qu'il suit, et donc finalement on ne remet jamais en cause ce qu'il voit au moment où ça se passe. 
Ces deux points mis à part, je trouve que pour un premier roman, Jack Wolf nous offre quelque chose de très intéressant.

Globalement je vous conseille ce livre, même s'il ne comporte pas autant de magie que je l'aurais souhaité !

Saturday, June 21, 2014

L'écume des jours, Boris Vian

J'ai mis un peu de temps à écrire cette revue, parce que je ne savais pas vraiment par où commencer avec ce livre. J'avais eu envie de lire ce livre au moment où il a été adapté au cinéma, et même si je n'ai volontairement pas vu le film, l'envie était restée dans un coin de ma tête.

A l'occasion des vacances, j'ai énormément de temps à consacrer à la lecture, et j'ai adopté un rythme de un livre lu par semaine, ce qui est beaucoup comparé à ce que j'ai pu faire ces dernières années.

J'ai lu ce livre en deux ou trois fois, un peu comme Nos Etoiles Contraires.
C'est un livre court, donc facilement accessible pour ceux qui n'ont pas trop de "temps à perdre dans la lecture" (la blague).


Tout le monde connaît ce livre, cette histoire d'amour "magnifique" entre Colin et Chloé, dans un monde futuriste parallèle au nôtre mais en même temps très proche de ce que nous connaissons.
Je n'avais jamais lu un livre de Vian avant, et j'ai donc été assez déroutée au commencement de ma lecture. J'ai eu quelques difficultés pour réussir à imaginer certaines choses, comme le piano-cocktail, mais mon amour pour les mondes réalistes et tordus a pris le dessus.

J'aime énormément l'univers proposé par Vian, et je comprends tout à fait pourquoi ce livre a eu tant de succès. Il y a une sorte d'équilibre étrange entre le merveilleux et le glauque, c'est très très déroutant. Mais, n'étant pas une fan de Poe pour rien, j'ai complètement accroché à ce côté dérangeant de l'histoire.


Ce que j'ai moins compris, c'est l'engouement du public autour du couple Colin/Chloé.
Je me demande si c'est juste à cause de mon caractère et de ma vision de ces choses, mais je ne les ai pas trouvé crédibles pour un sou. Ne me jetez par des pierres, je ne dis pas que c'est mal écrit, je trouve juste que leur amour sonne faux. Un peu comme toute l'histoire, ce qui en fait un élément tout à fait justifié dans cet univers. Mais ça a soulevé le problème de l'attachement aux personnages que j'ai tout considéré comme des êtres de papiers dans ce livre. Ça m'arrive très rarement de ne pas me sentir concernée par les personnages, leur histoire et leur personnalité. Là, ç'a été le cas.
 J'ai détesté Chloé, sans doute parce qu'elle est infantile, faible, capricieuse et superficielle (ce qui colle encore une fois très bien avec le monde de ce livre).
J'ai trouvé que ce pauvre Colin n'était qu'un benêt de plus qui se fait complètement avoir, mais il m'a plu. Il m'a touchée dans sa naïveté, qui elle n'est pas du tout agaçante, allez savoir pourquoi...

J'ai eu envie de filer des claques à Chick.
J'ai eu envie de jeter Alice dans les bras de Colin.
Mais mon personnage favori reste Nicolas, loin devant les autres. C'est le cuisinier de Colin, à la fois domestique et ami, qui incarne à lui seul le glissement de l'univers de Colin du bonheur vers une profonde tristesse. 

Parlons-en de ce glissement.
Bon je n'invente rien de nouveau, tout le monde avait remarqué je pense que si le livre débute dans une sorte de conte de fée moderne, il s'enfonce doucement dans un cauchemar. J'ai trouvé ça très ingénieux, très bien vu. L'ambiance change si imperceptiblement qu'on réalise à peine la différence énorme entre le début et la fin. Ce qui était drôle devient cynique, ce qui était réconfortant devient oppressant, ce dont on est sur devient tout d'un coup incertain.

En résumé...

J'ai beaucoup aimé l'univers de l'Ecume des Jours, j'ai moins aimé les personnages.
Du coup, pour moi, ce livre n'est pas spécialement un incontournable, à voir peut-être si je le relis.
On sent que c'est un livre qui a besoin de temps pour se faire apprécier. Mon avis n'est donc pas définitif, et je ne sais toujours pas quoi en penser. Ce qui est peut-être le but de Vian après tout...

Thursday, June 19, 2014

Duel



Tu m'as lacéré le coeur.

Je suis à terre, le souffle court, la vision trouble. J'ai perdu à ce jeu là.

Mes cheveux sont emmêlés, tout mon corps tremble. Je ne sais pas si j'arriverai à reprendre le contrôle. Pourtant il le faut, le combat n'est pas terminé.

Je ne sais pas si je suis capable de tenir très longtemps, je ne suis pas sûre d'avoir un petit cœur suffisamment solide pour supporter un nouvel assaut. Je suis là, prête à me donner toute entière, à me jeter dans la gueule du loup. Je me tiens debout et mes lèvres frémissent quand je te vois. Ce souvenir de toi se dresse devant moi, l'arme au poing. Je te regarde droit dans les yeux et je crois déchiffrer de la tendresse. Première erreur de ma part, j'encaisse un coup au flanc gauche.

La douleur réveille ma détermination et ma colère. Je lève mon bouclier le plus haut possible pour parer un nouveau coup. Mes muscles sont faibles et engourdis. Je me bats déjà depuis un moment et je n'ai pas eu droit à une pause. Toi, tu es multiple, tu envahis mon esprit et mon cœur. Tu es une armée entière qui me fait face. Je fronce les sourcils pour te faire croire que je suis en colère. Le coup te touche à l'épaule, mais tu titubes à peine. Tu es à peine décontenancé, et tu ripostes. 
Je ressens alors à nouveau la douceur de tes mains dans mon dos. A un poil de perdre le contrôle, j'arrive pourtant à me ressaisir et esquive l'attaque. L'assistance est touchée, je l'entends soupirer.
Je n'hésite pas à te fixer de mes yeux infiniment tristes. J'ai beaucoup de tristesse infinie en réserve. Tu n'y es pas insensible et ton regard flanche. Pendant une seconde, tu n'es plus à ce que tu fais, et je sens une faille.
Je te rappelle à quel point nous nous sentions bien tous les deux, et je rajoute que tu es important pour moi. Ca ne te plait pas d'entendre la vérité. Mais moi j'ai besoin de te la dire. 
J'ai besoin de te dire beaucoup de choses, et je hurle de frustration: il faut se taire. 

Dans cette bataille, pas de quartiers, sinon tu ne verras plus le jour se lever. La contre-attaque ne se laisse pas attendre, en plus d'être violente. Je me prends de plein fouet tes yeux brillants, ton parfum, ta voix douce. Je mords à nouveau la poussière. Cette fois c'en est trop, je n'en peux plus. 
Ma poitrine se serre et la douleur se propage dans tout mon corps. Je me plie en deux pour tenter de me ressaisir, mais c'est pire encore. Une joue contre la terre battue, l'autre joue brûlée par le soleil, j'ai le bout du nez qui touche un genou. 
J'ouvre la bouche dans un cri de douleur muet. 
Je suis incapable d'émettre le moindre son. 
Le silence est retombé autour de moi. Une fois de plus, je suis vaincue.

Wednesday, June 4, 2014

Terrienne, Jean-Claude Mourlevat

Ce livre dormait dans ma PAL depuis pas moins de trois ans, ce qui commençait à être long, n'est-ce pas ?

A l'occasion de la fin de l'année scolaire, des vacances et de toutes ces joyeusetés, je me suis donc attelée à faire baisser le niveau de ma pile à lire, en commençant par ce vétéran des bouquins non lus.

J'avais acheté ce livre juste pour son auteur, ce qui est très rare pour moi (ça m'est arrivé avec Jean-Luc Marcastel, Serge Brussolo ou encore Haruki Murakami), mais j'ai une admiration sans bornes pour cet auteur. Il a écrit Le Chagrin du Roi Mort, qui est sans doute son livre le plus connu, mais mon petit chouchou restera toujours Le Combat d'Hiver, qui est un de mes coups de cœur de tous les temps. Vraiment. Sans rire, allez le lire. Vite.


Bref, Terrienne raconte l'histoire d'Anne, une jeune fille dont la sœur a disparu.
En passant sur une certaine route non loin de Saint-Étienne (élue la ville la plus sexy de l'année 2011), elle parvient à atteindre une dimension/ un univers parallèle où elle apprend que sa sœur est retenue prisonnière.
Elle se retrouve donc dans un monde où les humains ne respirent pas, ne pleurent pas, cliquètent au lieu de rire et éprouvent un profond dégoût pour les Terriens. Ces derniers sont réduits à l'état de légende, et le bruit, la saleté, le contact physique, les odeurs, et la cuisine sont des choses qui sont inconnus de ces êtres qui sont finalement... peu humains.

Ça peut paraître un peu farfelu comme synopsis, et je pense que si on est un écrivain médiocre (=moyen) le concept n'aurait sans doute pas collé. Mais ici, on parle de Jean-Claude Mourlevat.
Et cet auteur est bon, son écriture est fluide, et ses univers, quels qu'il soient, sont toujours convaincants. Ses histoires n'ont pas de pitié pour les personnages, si quelque chose de douloureux et de choquant doit arriver, le lecteur n'est pas épargné. Et c'est bon !

C'est un auteur qui ne se fiche pas des ados, et ça fait plaisir.


J'ai trouvé l'univers parallèle au nôtre absolument convaincant.
Pour éviter que le lecteur ne se sente totalement étranger avec ce monde, l'auteur utilise des hybrides entre les humains et ces êtres là pour expliquer et décrire cet univers. Les hybrides sont à la fois humains comme les terriens, et humains comme les personnes de ce monde parallèle, ce qui fait qu'on découvre les habitudes terriennes à travers le regard de personnes qui n'y sont pas du tout habituées, et c'est très amusant.
La nostalgie d'Anne pour son monde est contagieuse et on n'a qu'une envie: se rouler dans l'herbe et inspirer la vie à pleins poumons.

En parlant de respirer, je trouve que c'est très intéressant de faire de la respiration la différence fondamentale entre ces deux espèces d'humains. Ceux qui ne respirent pas, avec leur poitrine inerte, ont l'air d'être des robots (voire des cadavres ambulants). D'ailleurs l'analogie se poursuit avec leurs voix métalliques et leurs cliquètements.
Ces êtres n'ont pas grand chose d'humain, et semblent à la recherche d'humanité. Ce sont les grands dirigeants de cet univers qui peuvent "profiter" de la présence d'humaines, ce qui montre bien que l'humanité représente finalement la récompense suprême dans ce monde. Mais c'est une fascination qui n'est pas de notoriété publique. Les autorités du pays entretiennent le mystère et le mythe autour des humains, martelant que ce sont des créatures imaginaires.

Bien sûr dans tout ce fouillis, il y a une histoire d'amour, sinon c'est pas drôle. Et là encore, j'ai été agréablement surprise par la relation entre Anne et Bran Ashelbi (Game of Thrones represent!) qui n'est pas trop stéréotypée. C'est un peu cliché quand même parce qu'ils s'aiment au premier regard, mais ça ne m'a pas gênée plus que ça. J'ai vraiment ressenti la même façon de traiter l'amour que dans Le Chagrin du Roi Mort ou Le Combat d'Hiver.
L'auteur décrit des relations qui ne sont pas idylliques, l'amour et l'affection sont sincères, mais les deux héros doivent franchir des obstacles énormes avant de pouvoir se faire un bisou. Personnellement je suis assez fan de cette "formule" d'amoureux dans les romans.

(attention, cette partie peut représenter un spoiler si vous avez déjà lu le Combat d'Hiver)
Je rajoute quelques mots pour Torkensen, l'ami de Bran, qui me fait terriblement penser à Milos du Combat d'Hiver, qui est un des personnages de fiction que j'aime le plus au monde. Rien que ça. Bon il n'est pas aussi incroyable, mais il est touchant et courageux également.

Si vous avez lu et aimé Terrienne, je vous conseille donc chaudement tous les autres bouquins de Mourlevat.

A bientôt, et bonne lecture !

Livraddict

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